Aller au contenu

Eco-anxiété, parentalité et relations intergénérationnelles

Papa de 2 jeunes filles (15 et 18 ans), je m’interroge souvent sur ma responsabilité dans leur rapport aux sujets environnementaux, avec une réelle peur de leur coller des angoisses, à un âge où elles sont déjà assaillies d’un tas de questions par rapport à leur avenir et le sens de leur existence.

Je suis moi-même inondé d’informations anxiogènes.

Comment gérer cette place de parent-protecteur et le “devoir” de vérité ?

Qui est responsable de la situation, ma génération, celle de mes parents ?

Et si mes filles ne veulent pas devenir parent, est-ce un problème ? Est-ce inquiétant, grave, triste… ?

Les jeunes et la parentalité

D’après une enquête exclusive MAIF réalisée avec l’institut CSA auprès des Français de plus de 18 ans, 58 % considèrent qu’il faut réduire le nombre de naissances pour préserver notre planète.

Mais, même si le renoncement à la parentalité peut être vu, surtout par les plus jeunes, comme le “geste écologique ultime”, il est souvent révélateur d’une forme de fatalisme. A titre personnel, c’est ce qui me fait le plus peur.

Ce n’est pas le cerveau qui commande l’envie d’enfants, mais bien le cœur et certainement une forme de foi en la vie et en notre capacité à la préserver. D’une certaine manière, la parentalité devient elle-même un accélérateur de la prise de conscience écologique (prise de conscience des besoins fondamentaux, donc de la finitude de certaines ressources et des impacts de nos modes de vie, de nos activités professionnelles, de nos achats, sur la nature, les paysages…).

Un parent conscient et sensibilisé peut transmettre un désir de transformation à ses enfants. Et au travers de la transmission de cette “nouvelle connaissance du monde”, il participe alors à une émancipation bien plus puissante que celle uniquement attachée aux vieux codes sociaux-économiques (en l’occurrence mes filles ont bien compris que le bonheur n’était pas proportionnel à la quantité de biens accumulés, mais directement lié à la qualité de leurs relations et à l’intensité de leurs émotions).

Positive attitude ou réalisme froid ?

La plupart des débats autour de l’éco-anxiété tournent autour de la question : la peur n’est-elle pas paralysante, et les discours anxiogènes ne sont-ils pas contre-productifs ?

Je me suis moi-même souvent retrouver à culpabiliser d’annoncer certaines nouvelles à mes filles (augmentation inéluctable des victimes du réchauffement climatique, risques de crises alimentaires, de pénuries en eau…), avec en ligne de mire l’idée de les préparer à une vie moins facile que celle que j’ai connue (je fais partie des gens qui ont vécu une jeunesse très insouciante, confortable, avec des parents convaincus que l’ascenseur social deviendrait accessible à tout le monde, qu’il n’y aurait bientôt plus de guerres, et que le “progrès” social et technique ne s’arrêterait jamais).

La peur, effectivement, peut paralyser, figer. Mais cette phase ne dure qu’un temps, à moins de tomber dans quelque chose de pathologique (auquel cas, à mon avis, ceci révèle un problème qu’il aurait fallu traiter à un moment ou un autre).

Plus j’avance, plus je suis convaincu qu’au contraire, la peur est un moteur puissant de transformation.

C’est elle qui nous oblige à bouger, à changer. En cela elle nous raccroche à la réalité de la nature, en constante évolution, et dont nous faisons partie intégrante. 

Quand j’ai appris à mes filles à faire du vélo, à nager, j’ai accepté l’idée qu’elles auraient peur, qu’elles se feraient mal. Mais les bénéfices de ces apprentissages, le sentiment de dépassement, la fierté d’être autonome, agile, compensent vraiment la douleur des chutes.

Face aux enjeux environnementaux, je pars du même principe. Je veux leur fournir un maximum d’informations, de données, pour les laisser pleinement libres de faire leurs choix, mais en pleine conscience. A partir du moment où elles restent en mouvement, en lien avec les autres, encore pleines d’envies et de rêves, alors j’estime qu’il n’y a pas de danger pour leur santé mentale.

Et parmi les choses que je leur rappelle régulièrement : la meilleure façon de régler un problème, c’est déjà de prendre le temps de l’observer, de l’analyser. L’évitement, le déni, le mensonge, non seulement ne permettent pas de le résoudre, mais augmentent les risques et les conséquences, donc les efforts à venir.

L'engagement écologique

Dans l’étude CSA pour la MAIF, on apprend que “50% des Français non parents mais en âge de procréer ne souhaitent pas avoir d’enfants”.

Les Américains parlent du mouvement “Gink “ (Green Inclination, No Kids).

J’ai déjà eu l’occasion d’échanger avec mes filles sur ce sujet. De mon côté, j’ai l’impression que leurs positions sont à mettre sur le même plan que leurs positions sur les mouvements féministes et de manière générale leurs luttes contre toutes les formes de discriminations.

Les injustices sociales sont au cœur des problématiques du développement durable. Je vois donc chez mes filles cette capacité à se “rebeller” contre des vieux schémas et principes moraux d’un autre temps.

Même si le lien n’est pas toujours évident, je pense qu’elles comprennent bien ce qui m’a poussé à changer de vie. Même si elles me voient encore régulièrement comme un vieux con (chacun est à sa place, pour le coup), nous pouvons partager cette bonne énergie autour de la nécessité du changement.

Rien n’est figé et nous pouvons  tous, à n’importe quel âge, à des échelles très différentes, dans des contextes très différents, embarquer des proches, des collègues, et trouver de la joie, du bonheur, en se mettant en action. 

Alors oui je pense que la peur est un moteur, et que l’engagement est l’un des meilleurs moyens pour la dépasser, avec comme premier bénéfice, un sentiment de gratitude immense. Beaucoup de psychologues nous rappellent que pour être aimé il faut savoir s’aimer soi-même. Affronter son éco-anxiété, c’est aussi une bonne étape dans cet apprentissage.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *